11/06/2010
Pourfendeur de nuages – Russell Banks [1998]
Owen Brown est maintenant un vieil homme... Au fil de ses souvenirs, parfois sereins mais bien souvent tumultueux et violents, il retrace peu à peu, sous la forme d'une monumentale lettre entre confession et témoignage, ce que furent la vie, le caractère et l'engagement de son père, John Brown, figure emblématique du mouvement abolitionniste américain. Loin de la vision purement historique et héroïque de l'homme célèbre et engagé, le récit filial livre, petit à petit, une autre vérité et dépeint un autre John Brown : un père de famille nombreuse à la personnalité écrasante, autoritaire, ambitieux, puritain confit en religion ; un idéaliste qui dérive vers le fanatisme, vers l'action armée et le terrorisme pour devenir le capitaine d'une sanglante guérilla dans laquelle il enrôle ses fils et ses proches, et dont il devient le martyr quand il est exécuté en 1859 après une longue croisade contre l'esclavage. Découvrir la suite...
18:36 Publié dans => Challenge 100 ans de littérature américaine | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : russell banks, littérature américaine, etats-unis, abolitionnisme, abolitionniste, guerre de sécession, esclavage, john brown, fanatisme, racisme, religion, terrorisme
08/06/2010
Désert américain – Percival Everett [2004]
Théodore Larue, héros de ce roman farfelu, professeur d'université dépressif, s'en va se suicider. En chemin, il est interrompu par un camion qui percute sa voiture : il valdingue alors à travers le pare-brise et est décapité net ! Les services funéraires recousent la tête au corps vite fait, mal fait, et dans l'église, tandis que femme et enfants pleurent et que les collègues universitaires s'embourbent dans des éloges hypocrites, voilà que Ted se redresse et s'assied dans son cercueil ! Résurrection ! Et panique dans le public... Découvrir la suite...
10:02 Publié dans => Challenge 100 ans de littérature américaine | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : désert américain, percival everett, littérature américaine, etats-unis, satire, mort-vivant
30/05/2010
Le boxeur manchot – Tennessee Williams [1945-1954]
Jeune homme mis à la porte de l'entrepôt qui l'employait pour avoir griffonner des poèmes sur les couvercles des cartons à chaussures ; jeune fille qui reste enfermée dans sa chambre, les volets clos, avec pour seule compagnie celle de sa collection de bibelots en verre coloré qui brillent de mille éclats dans l'obscurité ; jeune femme qui gifle son excentrique pasteur de père et va courir les lieux de plaisir de la Nouvelle-Orléans ; poète qui vit dans un baraque en bois, sur une plage, et qui distille de l'alcool de racines tout en prêchant aux jeunes gens ; vieille fille en quête d'amis qui s'immisce dans la relation des deux jeunes hommes partageant la chambre voisine ; jeune matelot et boxeur devenu manchot et prostitué puis meurtrier...
Tennessee Williams dépeint un univers chaotique peuplé de gentils cinglés, d'êtres détraqués, de doux rêveurs, de poètes, de vagabonds, de marginaux, de mystiques, de criminels... tous oscillant entre l'amour et la mort, à la frontière du désastre. Pas des monstres, non, mais des "inadaptés", des êtres d'exception qui échappent, ou tentent d'échapper à l'ordre social, et qui s'offrent en expiation de toutes les imperfections du monde (la métaphore christique revient régulièrement).
Dans chacune des nouvelles composant ce recueil, on retrouve des motifs récurrents : homosexualité latente, sexualité refoulée, excentricité voire douce folie, violence, solitude... Tennessee Williams dissèque les failles du genre humain, se montrant tour à tour cruel et fraternel envers ses personnages, envers ses congénères, sur lesquels il porte un regard à la fois caustique, compassionnel et amical. Car finalement, c'est bien à ces êtres "à la marge", ces exclus du monde moderne, que va la tendresse de Tennessee Williams, une tendresse fraternelle qui transparaît de chacune de ses pages, de chacune de ses lignes. Ces êtres "à part", Tennessee Williams les érige en martyrs, il les sanctifie. Il leur offre l'éternité.
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Tennessee Williams, Le boxeur manchot, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Maurice Pons, éd. Robert Laffont, coll. Pavillons poche, 2005 (1945-1954), 215 pages, 7,90 €.
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10/05/2010
Sukkwan Island – David Vann [2008]
Au départ, il y a le désir d'un père désorienté qui veut se réconcilier avec la vie, et avec son fils. Jim décide donc de plaquer son existence trop morne et dissolue et d'emmener son fils de 13 ans, Roy, vivre un an sur une île sauvage d'Alaska, façon trappeur : une cabane, des outils, quelques provisions, des armes... Jouer aux Robinson volontaires. Pour quoi ? Pour un nouveau départ, pour découvrir et apprendre ensemble, pour renouer avec ce garçon qu'il connaît si mal.
Ils sont donc seuls, Jim et Roy, éloignés de tout être vivant, au milieu de la nature, superbe et inquiétante. Ils construisent un abri pour le bois, chassent, pêchent, explorent l'île, se perdent... Ils se cherchent, s'affrontent, s'engueulent, se comprennent, s'apprivoisent... Mais très vite la situation se détraque et ce qui pouvait ressembler à une belle aventure se transforme en quelque chose d'inquiétant : le père, qui pensait solder dans la solitude arctique ses échecs sentimentaux et professionnels, sanglote la nuit, et le fils, très vite, regrette sa chambre douillette, sa mère et sa sœur, supporte mal la rigueur de cette vie et son père défaillant, et ne se sent plus exister... Le huis clos entre père et fils devient obsédant et toxique, la relation entre eux se désagrège, mais la profonde dépression dans laquelle se noie Jim, sa détresse patente, son extraordinaire égoïsme, sa lâcheté inouïe, le rendent inapte à toute décision rationnelle, interdisent tout retour en arrière, jusqu'au drame : un geste désespéré, une rédemption impossible...
Un style brut, dont les phrases sobres contrastent avec la nébuleuse psychologique du père et les ténèbres du décor, une angoisse sourde qui va crescendo, un récit où, en permanence, on est dans l'attente d'événements dévastateurs, pour, à l'arrivée, roman noir, intense, violent, déroutant, troublant, émouvant, captivant, haletant, suffoquant, écœurant : tout bonnement sidérant ! Et qui vous marquera longtemps...
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David Vann, Sukkwan Island, traduit de l'américain par Laura Derajinski, éd. Gallmeister, coll. Nature writing, 2010 (2008), 191 pages, 21,70 €.
Du même auteur : Désolations
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07/05/2010
Un homme – Philip Roth [2006]
« Ce n'est pas une bataille, la vieillesse, c'est un massacre. » (p.132)
Le narrateur, dont on ignore le nom, est un homme, un homme parmi d'autres, à la fois unique et universel. Un homme et une vie, sa vie (et celle de tout un chacun), qu'il nous livre en un long flash-back, depuis son enfance jusque dans son vieil âge, quand l'accablent la déchéance physique, la douleur, la maladie et les opérations successives, la retraite, l'ennui, la solitude, l'absence d'illusions désormais, les derniers espoirs si désespérément vains et pathétiques pour séduire, les regrets de sa vie (ses trois mariages calamiteux) et, inéluctablement, la mort au bout de la route... Car le roman commence précisément par les obsèques du héros !
Dépouillée, tragiquement lucide, cette "confession" du narrateur est déchirante. Cette angoisse, cette peur, cette attente de la fin, ce désespoir désolé, ce sentiment surtout que les vies ne sont que d'immenses gâchis, tapissées de regrets inutiles… Roman fluide, à la fois triste et léger, Un homme est une fable mélancolique et désabusée sur la mort, la terreur de la vieillesse et de la maladie.
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Philip Roth, Un homme (Everyman), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par José Kamoun, éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 2007 (2006), 152 pages, 15,50 €.
Du même auteur : La tache, Exit le fantôme & Indignation.
12:25 Publié dans => Challenge 100 ans de littérature américaine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : philip roth, un homme, littérature américaine, mort, maladie